Conte et légende

’ayez pas la naïveté de croire que vous êtes là par hasard. Un sortilège, le plus fort de tous, celui de l’amour, a déjà opéré en ces murs. L’histoire que nous vous contons en est la preuve… 
C’est au Xème siècle de notre ère que cette légende nous est rapportée par l’Evèque Etienne de Chypre, membre honorable de la famille royale de Lusignan. 

La Fée Mélusine était alors mariée à Raymondin, neveu du Comte Aymery de Poitiers. Le couple eut dix garçons et vivait une vie paisible au château de la Rochefoucauld, à quelques lieus du Moulin de Jaulay.Rares étaient les nuits calmes au château de la Rochefoucault et de nombreuses soirées frivoles y étaient organisées. L’Evèque, qui ne manquait pas d’y participer, aimait particulièrement écouter aux portes lors de ces fêtes dont la réputation avait fait le tour du Royaume.  

C’est au cours de l’une de ces soirées, alors que les convives batifolaient autour du buffet, que le jeune fils cadet de la fratrie en profitât pour se faire éduquer aux plaisirs charnels par la belle Edith à la poitrine généreuse. La jeune dévergondée était la fille du tanneur du village et embauchée comme femme de chambre au château.

Etienne rapporta les faits à la Fée Mélusine qui vit dans cette relation un déshonneur pour la famille. Inquiète pour la vertu de son fils, elle fit éloigner la soubrette et l’enferma dans un lieu loin des regards, au Moulin de Jaulay.

Une chambrette y fut aménagée, n’offrant à la pécheresse qu’une paillasse et un simple tabouret. Mélusine, prudente, installa des barreaux aux fenêtres ainsi qu’un Verrou à la porte. 

Afin de s’assurer qu’aucune relation ne pourra jamais naitre entre son fils et Edith, la Fée Mélusine jeta un sort à la jeune fille, qu’elle prononça en ces mots : « Ta seule issue possible à cette prison est le lit de la rivière. Mais à la seconde où tu toucheras son eau, tu te verras changer en poisson. » Edith n’avait d’autre choix que la beauté ou la liberté.

Les jours s’écoulèrent, et un beau matin la chambre du grenier se trouva vide. La belle avait disparu.

Des années plus tard, les eaux de la Bonnieure coulaient toujours paisiblement sous le Moulin de Jaulay. La roue poursuivait sa course sous la pression de l’eau à en faire rougir la meule à grain.

A l’aube d’une belle journée de printemps, dans la brume matinale, un jeune pêcheur s’approcha du Moulin, bien décidé à taquiner le goujon.

Rapidement, la ligne s’affola, deux soubresauts… une touche ! Le jeune homme garda son sang froid. Il vit le bouchon couler, attiré par le fond : le poisson était pris ! Au même moment, le ciel commença à se voiler, le bleu devint gris, l’atmosphère chargée d’électricité. Un orage se préparait.

Sur la rive de la Bonnieure, un terrible combat s’engageait. La prise semblait belle, le fil se tendit à la limite de la rupture. Le sillon de la canne de bambou plia sous la charge de la capture. Le ciel gronda et devint de plus en plus menaçant. Après de longues minutes acharnées, le poisson se retrouva épuisé, inerte sur le bord de la rivière. Une truite, magnifique, aux écailles dorées d’une brillance époustouflante qui éblouit le jeune pêcheur. Ému par tant de beauté, il ne put se résoudre à lui retirer la vie. Les yeux remplis d’amour, il décida de lui rendre sa liberté.

C’est alors que le tonnerre rugit. Un éclair fendit le ciel en deux. La foudre vint s’abattre entre les mains du pêcheur, venant frapper le poisson et laisser apparaitre une créature de rêve… C’est Edith. La jeune fille était là, bien vivante, les mains du pêcheur posées sur ses hanches. La magie de l’Amour venait de rompre le sortilège de la Fée. Edith avança ses lèvres et vint déposer un baiser sur la bouche du jeune pêcheur.

Une nouvelle histoire venait de commencer au Moulin de Jaulay…

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